10/12/2006

Emission de Taddéi du 11/10/06 : Quand la télévision relaye des discours hypernaturalistes

Impressionnante était, hier, la séquence "Quand les hétéros parlent des homos" de l'émission de Frédéric Taddéi, sur France 3, en deuxième partie de soirée.

Autour de la promotion d'une comédie, "Poltergay", plusieurs invités étaient présents. Le plus réactionnaire, le plus hétéronaturaliste était sans doute Frédéric Miterrand, qui n'a pas arrêté de souler tout le monde en proclamant sa "révolte", sa "subversion", son refus de la société hétérosexuelle excluante et homophobe.

Le réalisateur, hétérosexuel revendiqué, et l'acteur Clovis Cornillac, n'ont cessé de produire des discours scindant la réalité en deux hémisphères étanches : les "homosexuels" et les "hétérosexuels". Ca réifie, ça essentialise à fond la caisse. Il y a "nous", "moi", les hétéros ; et "eux", les homosexuels. Ce discours incroyablement archaïque sous-tend l'idée, très répandue, d'un psychisme "homosexuel" invariant : "Le pédé est un", disait déjà Genet.

Dans la même optique, les invités ont pu parler de "communauté homosexuelle", parce que l'homosexuel, enfermé dans l'univocité de sa sexualité et de son psychisme, forme, agrégé à ses semblables, une "communauté", bien homogène, bien essentialisée, bien réifiée dans le marbre des mots et des stéréotypes.

Mitterrand, donc, revendique et s'enferme dans son "homosexualité", pour le plus grand plaisir des "hétérosexuels" du plateau, qui voient ici revalidée leur vision duale du monde. Il fustige la "pédophilie", et affirme qu'il n'y a pas "d'apprentissage" dans le domaine sexuel : angélisme biologisant hétérobourgeois, le sexe est une sorte d'intuition divine, une essence intouchable. On imagine donc, partant, qu'il en est de même pour la sexualité : elle est là comme un donné, intouchable, irréfragable, figée dans le mystère de sa présence.

Au total, il est frappant de voir comment les discours télévisuels sont à 100% naturalistes, ultraréactionnaires, essentialistes. Il est préoccupant de constater que les gens croient encore dur comme fer au continuum sexe/genre, à "l'éternel féminin", aux vertus masculines, à la différencedessexes... (Vu l'autre jour, sur je ne sais plus quelle chaîne : "Vive la différence des sexes !" en incrustation durant une émission célébrant sans doute la féminité des femmes et la masculinité des hommes).

Dans ce domaine, la télévision est un outil de reproduction des schèmes naturalistes et des stéréotypes qu'il est extrêmement urgent de mettre en question radicalement.

3 comments:

Anonymous said...

c'est quoi la différence entre 1 dicours ultraréactionnaire et 1 discours simplement réactionnaire ??

Anonymous said...

Etonnant, on a pourtant vu la même émission...

Fred Mitterrand a dit qu’il préférait être appelé pd que gay ( moins politiquement correct que gay, selon lui - une position queer ?! ). Il a dit qu’il n’appartenait à aucune communauté, que l‘idée de communauté était 1 leurre ( il m’avait semblé que tu partageais ce point de vue ). Quant à la notion d’apprentissage, on pouvait l’entendre autrement que toi : sous prétexte d’apprentissage de pratiques sexuelles, on se conforme finalement à des maîtres à penser/à baiser, des codes, des règles. Et les pratiques prétendument les plus subversives ne sont pas forcément les moins conformistes ou les moins réductrices... En l’occurrence, j’ai cru comprendre que ce qui comptait pour lui, ce n’était pas d’apprendre de l’autre, mais de se trouver soi-même. Je ne crois pas que ce soit de l’angélisme, je ne crois pas d’ailleurs qu’il dénigrait l’apprentissage en soi, mais le leurre d’une identité constituée par référence ou soumission à l'autre, nous éloignant de nous-mêmes. Mitterrand ne croyait pas que les hétéros aient à apprendre des pratiques sexuelles des homos, comme l’affirmait Eric Remes sur le plateau ( why not, on a toujours des choses à apprendre de ce côté-là... mais bon, je crois que les pratiques ont à peu près toutes été répertoriées à ce jour, et sont aisément consultables sur les rayons de n’importe quelle fnac, quels que soient l’âge et les pratiques sexuelles du chaland ).

Fallait pas trop décrypter la pensée de Fred Mitterrand pour l’expliciter...
Par exemple, sous le prétexte assez naïf d’apprendre, afin de vivre pleinement sa sexualité et son corps, on se conforme finalement à des stéréotypes véhiculés par la presse commerciale ( excuse le pléonasme ) comme Têtu notamment : sois performant sexuellement et «be yourself/comme tout le monde» ( max de ton budget dans les fringues et les objets numériques, des miettes pour ton qi et des pommes de terre à l’eau le reste du mois ). Mais ça, c’est pareil avec la presse dite hétéro !
Par exemple encore, si les hétéros ont à apprendre des homos, on sait bien aussi ce que les homos ont du apprendre, pour survivre, ou du moins pour donner le change : apprends à faire comme-ci, et on te foutra la paix. N’essaie pas d’être toi-même, mais apprends à faire comme les autres.
Certainement Fred Mitterrand a connu une autre époque, et son discours s’en ressent. Mais cette autre époque, c’est encore le présent dans la cambrouse ou en banlieue.

Au final je ne trancherai évidemment pas, entre la nécessité d’être soi-même et la nécessité d’apprendre. Les deux doivent coexister.
Le cas échéant, comme Lacan qui disait qu’il « ne fallait pas céder sur son désir », on serait amener à dire juste après, comme le même Lacan le disait de façon tout aussi péremptoire et sans peur du ridicule, que « le désir c’est toujours le désir de l’autre »...

Anonymous said...

La peur du ridicule... dans la dernière phrase du précédent post... c'est celle de se contredire. C'est ce que je voulais dire. C'est, évidemment, ce que vous avez tout de suite pensé, n'est-ce pas ?