10/16/2006

Interdire enfin la psychologie

Allez faire un tour au rayon « psychologie » de votre librairie. Les titres y fourmillent. La psychologie est un créneau porteur. Le magazine « Psychologies », qui est aussi scientifique et profond que les arias de Cherubini préfigurent le heavy metal, en fournit une preuve imparable.

Un sujet qui plait beaucoup aux psychologues : l’adolescence. La psychologie, en effet, s’occupe de découper la vie des individus en séquences étanches, selon une téléologie archaïque. La naissance, la prime enfance, l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte, la vieillesse : autant de fictions conceptuelles qui, concaténées, dessinent l’existence selon des schémas simplistes, adaptables aux circonstances, aux individus ; mais surtout incroyablement normatives, normalisantes, naturalisantes.

L’adolescence, donc, inépuisable source d’argent pour les psychologues, qui déploient des pages et des pages pour définir, polir et adapter leur idée de l’adolescence, ce passage de l’enfance à l’âge adulte, cette « période de toutes les confusions », cette « quête de repères », « ce moment de trouble », de « construction de l’identité »…

Les psychologues s’amusent à sortir ponctuellement un nouvel âge hybride qui vient s’immiscer entre deux étapes préexistantes : « adulescents » du néonazi Anatrella, « adonaissants » de Singly ; « jeunes vieux », « vieux jeunes », etc. Tout se passe comme si, au fond, les psychologues prenaient conscience eux-mêmes de la fausseté de ce découpage séquentialiste de la vie humaine en périodes déterminées et déterminantes, uniformes et univoques, normées et normatives ; et qu’ils cherchaient par conséquent à montrer que « c’est plus compliqué que ça ».

Quoiqu’il en soit, la psychologie procède par métonymies, normalise le « psychisme » et invente de toute part des lois et des règles de l’âme qui n’ont rien à envier aux Dix Commandements, tant la pseudo-science psychologique s’apparente à une morale hétérofamilialiste d’une bêtise stupéfiante. Le psychologue, à partir « de son inégalable expérience clinique », répertorie les « cas » auxquels il a eu affaire, et fabrique à partir de ce zoo une théorie de la vie psychique qu’il plaque sur tout un chacun.

La psychologie, moins soucieuse que sa petite sœur la psychanalyse de se parer des atours de la scientificité, n’est ni plus ni moins qu’une littérature, complètement fantaisiste, qui revalide la stéréotypie reproductionniste. Ouvrir un essai sur l’adolescence est une expérience croustillante : tout à la fin, trois ou quatre pages apprennent au parent inquiet que l’homosexualité n’est pas une maladie.

La psychologie fait très fort : elle est non seulement le lieu d’une réassignation terroriste des rôles sexuels en fonction des genres – histoire de revalider encore un petit coup la différencedessexes – mais elle est également le discours qui attribue à chaque âge de la fiction-vie des comportements normalisés et balisés : « A la puberté ta sexualité tu découvriras ! » ; « A l’andropause ton activité sexuelle ralentira ! ».

Ce qu’elle mesure, constate et valide scientifiquement (la fiction-vie, les comportements psychiques), elle les produit et les reproduit en leur donnant le sceau de la scientificité et de l’universalité. La psychologie est une machine à essentialiser : « Les » adolescents, « L’ » Adolescence (avec majuscule), « L’ » Homosexualité, ses lois, ses règles, ses avatars, ses causes, grandeur et décadence. Comment ce bricolage, qui réifie et découpe dans le réel à la serpe, créant des compartiments pseudo-heuristiques qui excluent/incluent, peut-il passer pour sérieux ?

Une généalogie de la psychologie montrerait aisément qu’il s’agit d’une tentative de scientifisation des stéréotypes populaires, où des remugles d’un naturalisme médiéval et archaïque servent de « grille de lecture » de la « psyché ». La psychologie offre d’autant plus un package de relations normalisées et régulées qu’elle propose, dans tous les domaines de la fiction-vie, de « bien vivre », de « vivre mieux », d’atteindre le « bien-être » par autant de recettes de cuisine. « Bien vivre l’adolescence », « Savoir motiver son ado » : à les entendre, les individus sont semblables à des programmes informatiques. La supercherie est malheureusement une entreprise de corsetage des individus, et surtout une immense machine castratrice, inhibitrice, qui restreint le pouvoir infini et surmultiplié des sexes.

Parce que toute cette littérature, qui apporte du grain à moudre au pouvoir straight, rencontre un succès phénoménal, il faut enclencher des procédures de contre-psychologie, des procédures de dénaturalisation, de désenquentialisation du sexuel et de célébration des devenirs troubles, multiples, technologiques, sériels, mixtes, mixés, déterritorialisés. Pour que tout le monde comprenne qu’il n’y a pas de chemin à suivre en matière de désir et de jouissance, mais seulement un déploiement interindividuel anarchique, multiple et rhizomique dont le terme s’appelle « bonheur total de l’Humanité ».

4 comments:

Anonymous said...

Je suis plus que perplexe...

Confusion assez constante entre psychologie et psychanalyse ( ainsi Anatrella est prêtre et psychanalyste, et pas psychologue ) ; psychanalyse assimilée abusivement à une science ( voir la réfutation de la psychanalyse comme science par Popper, reprise sans objection par Lacan lui-même dans son séminaire du 15 novembre 1977 ) ; confusion entre psychologie et la nébuleuse du « développement de soi » représentée par la magasine « Psychologies » ; critique de la normativité de la psychologie, tout en faisant l’impasse sur les controversées thérapies cognitives et comportementales qui prétendent répondre à la demande du client, sans imposer de norme ; critique du découpage séquentiel de la vie alors que c’est une réalité biologique, même si ce découpage n’est pas freudien ( voir les travaux des éthologues et des neurobiologistes ) ; assimilation de la psychologie et de la psychanalyse à des pratiques liberticides condamnables, alors que ces pratiques remettent aussi en question la liberté de psychopathes et autres délinquants relationnels avérés ; dangereuse collusion possible entre le désir de jouir sans entrave ici revendiqué, et le désir du psychopathe de jouir sans entrave de l’autre et malgré lui ; amalgame en 2 termes, psychologie et psychanalyse, d’une infinité de pratiques, parfois très opposées, comme si au XXI° siècle, on pouvait encore faire une critique de l’Art ou parler de la Physique...

Presque chaque affirmation aurait demandé un développement, et d’autres arguments, pour être validée.

Dommage aussi de s’interroger sur le regard porté par les adultes sur l’adolescence, sans s’interroger sur le pourquoi de cette période intermédiaire, qui n’existe pas du tout dans d’autres cultures, le passage de l’enfance à l’age adulte se faisant par un rite d’initiation assez bref.

Incrédulité surtout de ma part sur le « bonheur total de l’humanité »... Cette sorte de fin de l’histoire, cet avenir insurpassable, ce joli papier doré que l’histoire nous a servi régulièrement, et qui a presque toujours emprisonné un bonbon empoisonné.

J’aimerais aussi en savoir plus, de façon concrète, sur ce qu’est ce poétique « déploiement interindividuel anarchique, multiple et rhizomique » et ces autres « devenirs troubles, multiples, technologiques, sériels, mixtes, mixés, déterritorialisés ». Non pas ce qu’ils ne sont pas, mais ce qu’ils sont concrètement.

En fait, pour parler très simplement, ce que j’ai compris dans ce texte, c’est que tu dénies aux adultes le droit de penser ta vie, et de parler à ta place. Il aurait donc été préférable, au lieu de faire une critique impérissable de la psychologie (pour des raisons inattendues d’ailleurs), de nous parler simplement de toi, de ce qu’est ta vie, et ce que tu voudrais qu’elle soit. C’est peut-être pas le lieu sur ce blog, et pourquoi pas après tout ?

fosmus said...

SBF,

S'il est bien une confusion qui n'est pas faite ici, c'est celle entre psychologie et psychanalyse. Nous savons pertinemment les comportements et les théories qui sont propres aux deux champs (poreux).

Permettez-nous de vous rappeler que le curé Anatrella est convoqué ici non pas pour sa clinique psychanalytique mais pour son concept d'adulescence, concept qui ne relève pas de la psychanalyse mais bien de la psychologie.

Pour le reste, merci de votre contribution, nous y reviendrons.

N'hésitez pas à nous envoyer textes et essais susceptibles de nous intéresser.

Anonymous said...

"Ouvrir un essai sur l’adolescence est une expérience croustillante : tout à la fin, trois ou quatre pages apprennent au parent inquiet que l’homosexualité n’est pas une maladie."

Alors les choses ont bien changées, parce que lors de mon adolescence et de mes premiers pas de bisexuelle naissante (2001~2002), j'ai fouillé tous les essais sur les ados qui trainaient dans la chambre de ma mère, et tous les livres pour ados qu'elle m'avait offert... Silence complet. Pas un mot. Sur des livres et des livres, deux ou trois petits paragraphes sur l'homosexualité. Deux pour expliquer aux ados que les désirs homos étaient fréquents à l'adolescence et que cela passerait tout seul dans la majorité des cas, qu'ils ne devaient pas s'inquieter. Un pour conseiller aux parents de ne pas laisser un ado qui se croit homo fréquenter d'autres homos plus agés et surtout pas des militants, qui risqueraient de l'empêcher de redevenir hétérosexuel. Ouais.

Envie de vomir quand j'y repense...

Siti Solihah said...


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