11/23/2006

Feuilleton Anatrella : L'Eglise dénonce une "campagne de diffamation mondiale"

Suite aux deux dénonciations pour abus sexuels présumés sur de jeunes adultes par le prêtre-psy Tony Anatrella (lire Quotidien du 21 novembre), le Vatican parle d'une «campagne de diffamation mondiale contre l'Église qui prend pour cible ses points névralgiques» dans «ce genre d'accusations», par la voie du cardinal mexicain Javier Lozano Barragan, président du Conseil pontifical pour la santé. Le Vatican maintient sa confiance en Tony Anatrella, puisque celui-ci s'apprête à intervenir lors d'une conférence internationale sur «les aspects pastoraux du traitement des maladies infectieuses», au Saint-Siège, à partir de demain, jeudi 23 novembre. Pourtant au même moment, l'Église française semblait prendre ses distances avec Tony Anatrella: réuni par des évêques pour leur fournir un argumentaire pour les débats publics, un comité d'experts a rédigé début novembre des fiches sur «les différences structurantes de la vie sociale», incluant les questions touchant à l'homosexualité, au mariage des couples homosexuels et aux théories du genre. Un comité dont ne faisait pas partie Tony Anatrella: «Nous n'avons même pas pensé à le solliciter», a expliqué au Monde Mgr Jean-Louis Bruguès, chargé du dossier. «On peut voir effectivement un signe d'ouverture dans le choix des experts», ajoutait-il. Un autre article du Monde fait l'objet d'une demande de droit de réponse de la part de Christian Terras, rédacteur en chef de Golias, revue catholique critique qui, la première, avait enquêté sur l'affaire Anatrella. Il accuse le journal de défendre, aux prix de contrevérités, l'institution religieuse. Sur la menace de procès en diffamation, Christian Terras s'estime confiant: «Nous avons été trop habitués à l'effet d'annonce, affirme-t-il. La personne, accusée et dépourvue d'arguments, annonce un procès pour jouer l'innocence» sans donner suite. À suivre...
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par Paul Parant

11/21/2006

Anatrella contre-attaque

Le père Tony Anatrella se dit victime d'une dénonciation calomnieuse

Le père Tony Anatrella, prêtre et psychanalyste, 65 ans, expert du diocèse de Paris et de l'épiscopat français pour toutes les questions d'éthique sexuelle, et "consulteur" au Vatican, a déposé, samedi 18 novembre, une plainte contre "X..." pour dénonciation calomnieuse et diffamation. Cette action fait suite à des informations parues dans la presse (Golias et le Nouvel Observateur) à propos d'abus sexuels dont il se serait rendu coupable sur deux anciens patients et que M. Anatrella réfute avec énergie.

Au même moment, le parquet de Paris ouvrait une enquête préliminaire à la suite d'une plainte, déposée contre le Père Anatrella, par un adulte qui affirme avoir été abusé lors de séances de "thérapie corporelle" en 2001. L'identité du plaignant n'est pas connue. On sait seulement qu'il était étudiant en histoire à l'époque des faits. Me Benoît Chabert, conseil du Père Anatrella, s'en étonne au Monde : "Je n'ai jamais vu cela de ma vie. Si on est victime et qu'on est majeur, pourquoi se cacher ? On nous accuse, mais qui ? De quoi ?"

Témoignage d'un ex séminariste

Cette plainte a été déposée le 30 octobre, jour où Europe 1 reprenait les informations de Golias sur le cas d'un autre patient, Daniel Lamarca, 42 ans, aide-soignant à Grenoble, mettant en cause le même prêtre-psychanalyste. Preuve, selon Me Chabert, de l'"affabulation".

Le témoignage de M. Lamarca suscite un trouble, parce qu'il avait été révélé à Mgr Lustiger, alors archevêque de Paris, dès février 2001, mais était resté sans suite. En 1988, séminariste à la Mission de France à Pontigny (Yonne), M. Lamarca avait demandé à consulter un psychanalyste et avait été envoyé près du Père Anatrella. Là, affirme-t-il au Monde, le thérapeute se serait livré "sur sa table de massage, à des exercices corporels allant jusqu'à la jouissance des deux personnes".

Interrogé sur sa réaction tardive à ces "agissements" - que nie le prêtre -, M. Lamarca déclare avoir alerté l'évêque de la Mission de France, alors Mgr Gilson, et ajoute que toute autre publicité était délicate : "Il n'y avait pas viol. Je n'étais pas mineur et je n'avais pas de preuves." M. Lamarca, qui se dit homosexuel, aurait décidé de se battre en entendant les prises de position du Père Anatrella, en 1999, contre le pacs.

Selon ses proches, M. Anatrella, qui est auteur d'ouvrages - Interminables adolescences (Cerf), Non à la société dépressive, Le Sexe oublié (Flammarion), etc. - aurait été victime d'une "machination" montée par Golias, revue caustique devenue très critique de l'Eglise, et par des milieux homosexuels dont il est la bête noire. L'entourage de M. Anatrella rappelle que Golias avait diffamé Mgr Lustiger et perdu un procès intenté par Reporters sans frontières pour avoir publié, en 1995, une liste de "prêtres-assassins" au Rwanda. M. Lamarca affirme n'avoir eu recours à ce journal qu'après avoir constaté la passivité de l'Eglise.

Les attaques de groupes homosexuels chrétiens (David et Jonathan) ont redoublé depuis que M. Anatrella a participé à la rédaction, fin 2005, d'une instruction du Vatican recommandant aux supérieurs de séminaires d'être plus vigilant vis-à-vis d'éléments présentant des "tendances homosexuelles". Il avait ajouté des commentaires personnels, repris par l'Osservatore romano, présentant l'homosexualité comme "un inachèvement et une immaturité foncière de la sexualité humaine".

Henri Tincq

11/20/2006

La transphobie : connais pas

Communiqué de presse TaPaGeS, le 20 novembre 2006 http://tapages67.org/


Une enquête de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité des chances), ce machin concédé par Chirac aux personnes LGBT (Lesbiennes/Gay/Bi/Trans') comme on donne un nonosse à son/sa chienNE, est actuellement en cours sur les discriminations au travail. Parfait. Elle ne mentionne même pas les personnes transgenre.

Quatre hypothèses nous viennent à l'esprit (qu'on a mauvais) :
- Ou bien les trans' ne travaillent pas ;
- Ou bien, la HALDE a remarqué que les personnes transgenre n'ont aucun problème dans l'univers trans-friendly de l'entreprise, de la fonction publique et des services sociaux ;
- Ou bien la HALDE est un ramassis d'étourdiEs ;
- Ou bien, une fois encore, les trans' sont reléguées loin, bien loin, là où on ne les voit pas, où on ne les entend pas, dans un endroit où les souffrances sociales déterminées par une société transphobe sont camouflées, déniées, invisibilisées. Dans un placard sordide.

Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, parmi tant d'autres. La liste de ce que subissent les personnes trans' partout dans le monde est écœurante, alarmante. Et pourtant, elle n'alarme ni n'écœure personne. Les rares voix audibles sont celles de psys et d'"expertEs" de la santé, voix criminelles et haineuses... La voix des concernéEs, elle, ne transperce pas le mur du son médiatico-politique.

C'est silence de partout. NulLE trans' à l'horizon.


AUJOURD'HUI, 20 NOVEMBRE : le TDoR...


Le TDoR (Transgender Day of Remembrance), ce 20 novembre, est pour nous l'occasion de mettre dans la lumière les oppressions subies par les personnes trans'. À l'échelle internationale : les trans' sont pourchasséEs, assassinéEs, leurs agresseurs dédouanés : la plupart sont fièrement encouragés par leurs États... À l'échelle du "pays-des-droits-de-l'homme" (c'est censé être nous, ça !) : la Loi avalise les discriminations et fait en outre endurer aux personnes trans' tout un arsenal de mesures humiliantes.

Le TDoR, ce 20 novembre, est pour nous l'occasion de témoigner de notre solidarité. De redire publiquement notre colère devant ce que vivent les personnes trans'. Pour certainEs : chasséEs de leurs familles, vouéEs à la précarité, à des formes de vie clandestines. Pour touTEs : le rappel au quotidien d'une "anormalité" en regard des normes, par la Loi, par les insultes. Souvent : les agressions ; parfois : les meurtres.

Le TDoR, ce 20 novembre, est aussi pour nous l'occasion de rappeler qu'il n'existe aucune oppression qui ne soit politique. Et que toute politique peut être infléchie, contestée voire révolutionnée (yes !). Que ces oppressions sont organisées, conçues, appliquées au premier "chef" par l'État. Que de l'État et de ses services découle tout un ensemble de mesures, de comportements, d'incidences dans les vies des personnes transgenre. Du crime aux discriminations sur les sites de rencontres, des vexations administratives aux insultes, etc. Bien sûr, ces violences ne sont pas toutes les mêmes. Elles n'ont ni la même intensité ni la même gravité. Elles témoignent cependant de la cohérence de la transphobie : ne rien laisser idemne. Que tout soit gouverné par la Haine et l'Injustice.

Le TDoR, ce 20 novembre, est enfin l'occasion pour nous de rappeler nos exigences. Rien n'est négociable, rien n'est demandé. Tout est exigé :

- Une personne trans' n'est pas malade : abolition de toute psychiatrisation imposée des personnes transgenre et de tous "protocoles" médicaux ou "standards de soins" imposés à leur encontre, et garantie du libre choix de nos médecins, tel que défini par la Loi en vigueur.

- Une personne trans' n'est pas inférieure : nous exigeons les mêmes droits pour toute personne transgenre que pour toute personne cisgenre. Et pour cela, le changement sur simple demande du premier chiffre du n° de Sécurité Sociale pour toutes les personnes qui en feraient la demande, afin de couper court à l'omniprésente discrimination selon ce n°, p.ex. à l'embauche, discrimination qui mène à l'exclusion, à la précarité et aux comportements à risque (prostitution publique etc).

- La transphobie n'est pas une opinion : une vraie politique de prévention de la haine transphobe s'impose.

De nos luttes, nous avons appris que c'est à nous, personnes transgenre et soutiens, d'apparaître, de nous mobiliser, de nous organiser, de nous imposer. On ne s'en remettra pas à unE hypothétique candidatE de la cause trans' en 2007. Les avancées nous les obtiendrons dans la rue, par nos mobilisations - et pas par l'aumône politicienne.

Nous avons touTEs à y gagner : nous libérer collectivement des assignations de genre et de sexe. Ébranler l'ordre hétéropatriarcal. Et nous découvrir plus libres et plus égaux/-ales - plus heureux/-ses.


TaPaGeS (TransPédéGouines de Strasbourg), le 20 novembre 2006

11/16/2006

Affaire Anatrella : de nouveaux éléments

Un article du Nouvel Observateur donne de nouveaux éléments sur l'affaire, qui ne prend pas un tour favorable pour le curé-psy néonazi.


Les thérapies très spéciales de Mgr Anatrella
Star du Vatican, Tony Anatrella, prêtre et psychanalyste, bête noire des homosexuels, pris dans la tourmente d'une affaire de moeurs. Deux de ses anciens patients l'accusent d'abus sexuels

L'Eglise n'a jamais le temps de souffler. Une histoire de moeurs peu catholiques avec de jeunes garçons rattrape une fois encore un de ses représentants, et pas n'importe lequel : le célèbre Tony Anatrella. Nommé par Jean-Paul II au conseil pontifical pour la famille, Mgr Anatrella est devenu en quelques années la voix quasi officielle de l'Eglise sur la question gay. L'homme, prêtre et psychanalyste, spécialiste autoproclamé en « psychiatrie sociale », livre depuis plus de vingt ans ses expertises sur le monde moderne. Ses premiers travaux remarqués sur l'adolescence lui ont permis de diffuser peu à peu ses sermons contre le préservatif, la contraception, le divorce, l'avortement... Mais, depuis quelque temps, Anatrella concentre, de manière quasi obsessionnelle, son attention sur un seul sujet : l'homosexualité. Il l'attaque, à coups de références pseudo-freudiennes, dans ses ouvrages, ses conférences aux quatre coins de la France, dans les journaux comme « la Croix » et « le Figaro », qui publient régulièrement ses tribunes... L'homosexualité est « un inachèvement, une immaturité foncière de la sexualité humaine » qu'il faut soigner d'urgence. Halte au lobby gay « narcissique et manipulateur », la famille est en ruine, la civilisation au bord du suicide... Avec son ton péremptoire et ses formules chocs, l'abbé-psy joue à merveille son rôle d'affreux réac. Des prêtres et des familles catholiques lui adressent depuis des années des garçons en conflit avec leur identité sexuelle. Rien de plus efficace qu'une psychanalyse avec le père Tony Anatrella pour retrouver le droit chemin.
Rien de plus destructeur, disent aujourd'hui deux anciens patients. Ils ne se connaissent pas, vivent à des centaines de kilomètres l'un de l'autre et avouent, chacun de leur côté, avoir eu des relations sexuelles avec le célèbre prélat. Le plus âgé a tout raconté dans le dernier numéro de « Golias », la revue catholique contestataire, qui publie un dossier complet sur «les étranges méthodes du docteur Anatrella».
Daniel vit avec son chat dans la campagne grenobloise. La quarantaine, beau regard, sourire inquiet sous la barbe noire. Il parle posément, sans manières. L'aide-soignant voulait être prêtre. En 1988, Daniel entre au séminaire de la mission de France, à Paris. 23 ans, une mère décédée d'un cancer, un père remarié trop vite, sa foi l'aide à s'accrocher. Mais il doute, se demande s'il pourra longtemps supporter le célibat ; les hommes l'attirent depuis l'adolescence. Daniel en parle à ses accompagnateurs spirituels. On lui conseille d'aller voir « le » spécialiste des âmes tourmentées, Tony Anatrella. On dit même qu'il fait des tarifs préférentiels pour ses frères d'Eglise. « C'était le must pour les cas religieux, se souvient l'ancien séminariste.Je ne pouvais pas être entre de meilleures mains. »A l'époque, le père Anatrella n'a pas encoreentamé son virage intégriste. L'auteur d'« Interminables Adolescences » est en vogue, Cyril Collard, l'ange maudit des « Nuits fauves », se lie d'amitié avec lui, les médias le sollicitent sans cesse pour parler de la jeunesse. Daniel ne le connaît pas mais ses camarades ont, durant les week-ends spirituels, le nez plongé dans les ouvrages de « Tony ». Il prend rendez-vous. Après quelques semaines d'entretiens, le psy diagnostique une « pseudo-homosexualité » et propose, pour évacuer les pulsions, des séances de thérapie corporelle. Les exercices ont lieu dans la petite salle attenante à son cabinet. «Il m'a demandé de me mettre nu, confie Daniel. Il a commencé par me toucher, puis me masturber. Au bout de quelques séances, lui aussi s'est déshabillé. » Même scénario tous les quinze jours, pendant quatre ans. «Ça peut paraître fou. J'étais majeur, apparemment consentant, mais j'étais sous emprise. Il présentait ces séances comme une thérapie. Tout était froid, codifié, très pro. Les exercices corporels duraient un temps précis puis on se rhabillait et on se retrouvait après en face à face pour débriefer sur mes émotions.»
En 1993, le Grenoblois quitte Paris et le séminaire pour suivre une formation de tailleur de pierre. Il va mal, consulte un psychiatre, auquel il raconte son étrange thérapie : «Il m'a regardé avec des yeux ronds. Comment avez-vous pu croire à une telle supercherie?» Daniel retourne voir Anatrella. Il veut comprendre : «Comment expliquez-vous qu'on ait eu des relations sexuelles?» Le père du diocèse de Paris assure qu'il s'agissait bien d'une thérapie importée d'Amérique.
Daniel s'est longtemps senti coupable, indéfendable. Pourtant, en 2001, il prévient son ancien directeur de séminaire et écrit au cardinal Lustiger. Une lettre sobre : «Eminence, j'ai eu l'occasion de vivre une relation particulièrement dommageable avec un prêtre du diocèse de Paris... Cette personne continuerait à accompagner des jeunes fragiles ou en difficulté...» Le cardinal reçoit longuement Daniel, prie pour lui et promet d'agir... Rien ne se passe. Un autre jeune patient commence, au même moment, une thérapie avec Tony Anatrella. Jacques (1), 21 ans, parisien, fils de la bonne bourgeoisie catholique, a des doutes existentiels sur son identité sexuelle. Lui aussi est adressé à Tony par un prêtre. Lui aussi se voit proposer au bout de quelques mois des séances de thérapie corporelle. Le père-psy de 60 ans demande au garçon de se déshabiller. Et commence à le caresser pour le libérer de ses pulsions malsaines. Deux ans de thérapie, Jacques n'a jamais été aussi déprimé. Fin 2003, il dit au prêtre qu'il ne peut plus payer les 46 euros de séance hebdomadaire. Tony Anatrella propose de lui faire crédit. L'étudiant en histoire refuse. Comme Daniel, il ne dit rien à personne. Comme lui, il se sent coupable et démuni. Que faire ? Qui alerter ? Le psy Tony n'appartient à aucune société psychanalytique. Le père Anatrella, malgré les rumeurs persistantes sur ses penchants homosexuels, continue d'avoir ses entrées au Vatican. Ses deux anciens patients voudraient bien l'oublier mais sa voix grave résonne sur toutes les ondes, dans le moindre débat sur l'homoparentalité ou le mariage gay.
L'hiver dernier, l'homme commente même l'instruction du Saint-Siège interdisant la prêtrise aux homosexuels, texte qu'il a largement inspiré. «L'Eglise a rappelé que les candidats présentant des tendances homosexuelles, ayant eu des pratiques de ce type ou soutenant ce qu'on appelle la culture gay ne peuvent être admis aux ordres sacrés. Ceux qui se trouvent dans l'une de ces situations devront interrompre leur formation», écrit-il dans « la Croix », en janvier 2006, avant d'ajouter : «L'instruction ne concerne que les futurs candidats et non pas les prêtres, qui sont invités à poursuivre leur ministère.» Ulcéré, Daniel contacte Christian Terras, rédacteur en chef de la revue « Golias », le « Canard enchaîné » des cathos. De son côté, Jacques se confie à un prêtre dominicain Philippe Lefebvre, professeur de théologie à l'université de Fribourg, puis dépose plainte à Paris contre son ancien psy, le 30 octobre dernier. « Il a choisi la voie judiciaire plutôt que la voie médiatique, précise son conseil, Me Linda Arif. En ce qui le concerne les faits ne sont pas prescrits. » Depuis, Monseigneur se fait plus discret. Il laisse son avocat en première ligne. «Que voulez-vous que je vous dise, plaide Me Benoît Chabert. Mon client est abattu, il dément, ce sont des affabulations.» L'Eglise aussi joue silence radio. Tony Anatrella n'a même pas été convié à la conférence des évêques qui vient de s'achever à Lourdes. Il a été écarté du comité d'experts chargés de plancher sur la question homosexuelle. Daniel, l'ancien séminariste, a depuis longtemps perdu la foi. Mais il lui reste quelques souvenirs de l'Evangile : «Il n'y a rien de caché qui ne vienne, un jour, à la lumière.»

(1) Le prénom a été modifié.

Né en 1941, ce fils d'immigré italien est entré au séminaire à Paris avant de se former à la psychanalyse. Il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages.

Sophie des Deserts


Le Nouvel Observateur


11/12/2006

Shortbus, un chef d’œuvre post-sexuel

Ce film pourrait être l’étendard, le manifeste, la raison d’être, le projet, l’utopie de la fosmus. Kaléidoscope multisexe jouissif et poignant, miracle fait film, il montre ce à quoi devrait ressembler le monde et la « sexualité ». On y voit une relation jeune/vieux non perverse, deux garçons, trois garçons, deux filles, trois filles, dix filles, deux filles et un garçon, trois garçons qui se sucent, un qui suce un garçon qui en suce un troisième qui bouffe le cul du premier, des vibromasseurs, une fille qui se masturbe, un couple sado-maso, mixte, unisexe, bear, hard, cuir, un micheton jeune et mignon, un « gay » qui roule une pelle à une « hétéro » frigide, un noir qui n’a pas une énorme queue, un couple à trois monogame, des étreintes imprévues, du sexe en dehors des codes et des identités, des corps : on y voit des corps, fait rarissime dans le cinéma (cette boîte noire du puritanisme et de la différencedessexes, de toutes les oppressions d’ailleurs), on y voit une bite, une chatte écartée, une bite qui rentre dans une chatte, dans un cul, un gode, un fouet sur des fesses, un gars qui lèche les pieds d’une fille, on regarde ça. Et tout n’est pas « naturalisé », comme dans la grotesque scène finale du Parfum. Chacun est là, avec ses malheurs, ses échecs, ses technologies de jouissance et de désir.
A voir, à faire voir, à effectuer, à rendre réel, à réaliser. Après ça on ne peut plus dire que le monde n’est pas beau.

11/09/2006

L'hétérosexualité n'existe pas

L’hétérosexualité n’existe pas, pas plus que l’homosexualité. Il s’agit là de catégories qui découpent dans le réel à la serpe pour satisfaire une certaine idéologie, reproductionniste, essentialiste, normative. Prendre acte du fait que l’hétérosexualité n’existe pas marque l’entrée dans une perspective réellement et radicalement queer, épurée des récits sociaux structurants, normalisés et normatifs, constitués et constituants, qui composent l’idéologie familialiste, hétéroreproductrice, reproductionniste.

Le récit hétérosexiste dessine une cartographie des sexualités qui va de l’hétérosexualité à l’homosexualité. Le schéma est binaire, les deux pôles sont comme deux parties d’un tout, la « sexualité » (pas plus que l’hétérosexualité, il n’existe de « sexualité »), et entre les deux existe la bâtarde « bisexualité ». Les trois sexualités ainsi découpées renvoient à trois groupes de personnes, les « hétérosexuels », les « bisexuels » et les « homosexuels ».

Être hétérosexuel, c’est éprouver du désir pour le sexe opposé. Car il est bien connu que le désir est univoque et uniforme, théorique, descriptible, lisible, antérieur à sa concrétisation, idéel, etc. L’hétérosexualité, c’est un gigantesque mythe qui se fonde sur une représentation archaïque et particulièrement spécifique du désir comme « essence » (au sens de Platon).

Personne n’est « hétérosexuel ». Il y a des individus qui désirent les individus de sexe opposé, mais le désir n’est jamais exclusif ni préexistant aux actes.

Ce qui est drôle, c’est que l’hétérosexualité c’est un package : c’est pas seulement le sexe entre homme et femme (comme on pourrait le croire d’après le terme), c’est aussi le modèle du couple, de la différencedessexes voire de « l’opposition des sexes » (et le cinéma intello, avec ses teesings putassiers en matière d’incommunicabilité homme/femme, est tout aussi scandaleusement cheap que le cinéma américain puritain anti-sexe et ultra-normatif), l’hétérosexualité c’est aussi la famille et son organisation, donc les relations hiérarchiques parents/enfants, c’est aussi une certaine conception des relations sexuelles, c’est aussi l’Amour, tel qu’il est décrit par l’art et les poètes, et cette espèce « d’instinct de survie », la reproduction et le reproductionnisme. En d’autres termes, l’hétérosexualité, c’est toute la société. C’est une gigantesque idéologie. C’est le système de régulation interindividuel qui préside à la destinée du monde.

L’hétérosexualité, une certaine façon de concevoir les relations sexuelles : le scandale du député républicain, aux Etats-Unis, l’a montré. Comme tous les puritains sont peu ou prou obligés de dire que ce n’est pas son « homosexualité » qui est scandaleuse, ce qu’ils condamnent avant tout, c’est le fait qu’il ait dragué des stagiaires mineurs. Au fond, la relation hétérosexuelle, c’est aussi les codes sexuels straight, et cette frontière symbolique, morale, entre majorité et minorité.

L’hétérosexualité n’existe pas, puisque c’est une idéologie qui tente de décrire le monde et de le resignifier en fonction de grands principes (hétéro-sexualité, reproductionnisme, familialisme), mais qui ne recouvre aucune réalité, qui ne correspond pas à une « tendance » profonde et « naturelle » des individus, mais bien à une construction.

L’une des ambitions de la fosmus est de faire disparaître le clivage hétérosexualité/homosexualité, pour la simple et bonne raison qu’il n’existe que dans les têtes, qu’il correspond à des constructions et des apprentissages, des technologies de domestication des corps et du désir. Pour déboucher sur des actions concrètes, voilà l’objectif : multiplier les relations sexuelles entre individus construits comme « hétérosexuels » et individus construits comme « homosexuels », détruire par la performance sexuelle les assignations, autoriser une fission des classes et des prétendues « orientations sexuelles », et enfin rendre possible un devenir multiple, anarchique et rhizomique des rencontres et des désirs, des unions et des amours.

11/07/2006

Mariage gay : détruire l'argument de "l'homosexualité subversive"

L’argument de « l’homosexualité subversive » revient extrêmement souvent, comme un passage obligé, lors des différents débats sur l’ouverture du mariage et de la parentalité aux « couples de même sexe ». Il est d’ailleurs utilisé aussi bien par des « homosexuels » que des « hétérosexuels », mais cependant toujours pour contrer les revendications « légalistes » et « bourgeoises » de l’égalité, et le discours pro-mariage.

Sa facture est simple : « l’homosexualité » a toujours correspondu non à une déviance mais à un comportement minoritaire, insoumis, rebelle, réfractaire aux normes, subversif ; les homosexuels sont consacrés par la littérature (et le bon sens populaire) comme « la race maudite », « la franc-maçonnerie du vice », c’est-à-dire un groupe en dehors du système, de facto différent.

L’« homosexuel » trouverait sa réalisation dans le mode de vie « planqué » qui convient aux vrais subversifs : placard, cachette, double vie, mensonge. Le mariage entre deux personnes « de même sexe » risquerait donc de faire perdre tout le sel de « l’homosexualité », de faire des « homosexuels » des bourgeois soumis au système hétérosexuel. L’homosexualité perdrait toute sa portée subversive, elle perdrait même toute sa signification, minoritaire, anti-système, son essence rebelle, etc. Cette dé-subversion générerait immanquablement une perte du désir homosexuel, stimulé par essence par le côté « planque », double vie, qui est un « formidable stimulant », le « meilleur aphrodisiaque ».

C’est ainsi qu’on a pu voir des personnes, tout à fait opposées au mariage « homosexuel », ironiser sur l’embourgeoisement, le côté « beauf » des « homosexuels », désireux de se « caser », et même faire de l’humour sur le décalage tonitruant qui existe entre les figures maudites et sublimes de Rimbaud et Verlaine, de Genet, et les « homosexuels » d’aujourd’hui, mesquins, petits joueurs, quémandeurs de normalité et d’intégration.

Le fait que l’argument continue à être servi à longueur de débats, et qu’il soit également développé par des tenants du queer, rend nécessaire une mise au point aussi rapide que définitive, pour en finir avec ce mythe essentialisant et naturalisant de « l’homosexualité subversive ».

La rhétorique décrite plus haut consiste en effet en un processus classique de naturalisation et d’essentialisation de ce qu’est « l’homosexualité » et de ce que doivent être « les homosexuels » (si ce n’est « l’Homosexuel), à savoir des êtres subversifs, maudits et sublimes. C’est donc une pratique de normalisation, qui réifie « l’homosexualité » et n’autorise qu’une seule forme de pratique, à l’exclusion de toutes les autres.

La logique de cet argument n'est donc pas différente de celle des psys réacs, qui unifient et uniformisent la mutiplicité des sexualités sous de gros concepts attrape-tout et simplificateurs, et qui attribuent à tous les "homosexuels" un psychisme invariant (une spécialité d'Anatrella).

Ceux qui refusent la possibilité d'une ouverture du mariage aux personnes de même sexe cristallisent un certain mode de vie "homosexuel", daté et situé, et souhaitent le normaliser et en faire le seul et unique mode de vie possible (et viable ?). C'est une logique conservatrice de maintien du monde tel qu'il est, et surtout d'idéalisation d'un âge d'or. Au vrai, c'est une rhétorique particulièrement situable générationnellement : ce sont, grosso modo, les plus de trente ans qui en sont les principaux promoteurs. En revanche, ce même argument est (curieusement) totalement inaudible par les "jeunes gays", intégrés et pas concernés par la mythologie sepia de la "double vie" et du "placard".

Sociologiquement, les comportements des "homosexuels", aujourd'hui, n'ont aucune correspondance avec le discours "placard" et celui de "l'homosexualité subversive". Une telle revendication apparaît donc d'autant plus à côté de la plaque.

De plus, si instituer le mariage "homosexuel" revient, selon les tenants de "l'homosexualité subversive", à instituer la routine hétéro-régulée, à beaufiser l'homosexualité, à normaliser la subversion sexuelle ; alors refuser l'ouverture du mariage correspondrait, à rebourd, à une institutionalisation de l'homosexualité comme nécessaire subversion, en dehors d'un cadre juridique organisé, et à "graver dans le marbre" la subversion, ce qui apparaît comme un joli paradoxe performatif.

C'est au contraire en laissant le choix au personnes de trancher entre "subversion" (non-mariage) et "embourgeoisement" (mariage) que l'on rendra possible de réelles logiques de refus de l'ordre établi.

11/05/2006

Boutin revient... Remettez vos combinaisons ignifugées

Celle qui avait organisé le grand rassemblement anti-pacs, au cours duquel on criait "Les pédés au bûcher" et "Satan en rêvait, Jospin l'a fait", truste nos écrans de télé depuis une semaine. Elle nous explique que la dignité de toutes les personnes doit être respectée, dans une rhétorique chrétienne-sociale-personnaliste (très en vogue dans les années 1950). Respecter la dignité de tous, c'est évidemment refuser aux "personnes homosexuelles", dont on connaît la "profonde détresse morale", et la "douleur", d'avoir des droits.

Ce qui pourrait nous la rendre sympathique, c'est que son argumentation est religieuse, donc extrêmement kitsch, c'est toujours préférable au discours des psychanalystes, type Anatrella, qui donnent à leur propos les atours du diagnostic scientifique.

11/02/2006

Anatrella suspecté d'abus sexuels sur de jeunes hommes !

Une plainte aurait été déposée hier, lundi 30 octobre, à la brigade des mineurs de Paris, après plusieurs mois de signalements par courrier au procureur, à l'encontre de Mgr Tony Anatrella, prêtre et psychanalyste, consulteur du Vatican sur la santé et la famille. Elle provient d'un jeune homme, proche du milieu catholique, qui affirme avoir été abusé sexuellement par le docteur Anatrella. Un autre, Daniel Lamarca, ancien séminariste, vient de témoigner dans le dernier numéro de Golias, revue catholique critique qui consacre un dossier conséquent à Mgr Anatrella. Il y raconte avoir démarré une psychanalyse auprès de Tony Anatrella en 1987, à l'âge de 23 ans, pour tenter de «guérir» de son homosexualité. En effet, Tony Anatrella, qui n'a de cesse de pourfendre le «narcissisme» et l'«immaturité foncière» des homosexuels (lire Quotidien du 3 juin 2005), est devenu l'autorité morale en matière d'homosexualité dans l'Église. Daniel Lamarca témoigne de séances de «travail corporel», qui se seraient terminées plusieurs fois en véritables rapports sexuels. Le jeune homme, qui a par la suite abandonné la voie cléricale, se serait confié à l'ancien évêque de Paris, le cardinal Lustiger, qui lui aurait promis d'agir, sans donner suite. «On savait que Tony Anatrella utilisait la méthode psychanalytique pour couvrir la doctrine catholique sur l'homosexualité, ce témoignage nous alerte désormais sur ses pratiques», souligne Christian Terras, rédacteur en chef de Golias, qui a mené l'enquête durant près d'un an et connaît Tony Anatrella depuis une quinzaine d'années. L'avocat de Tony Anatrella, lui, nie en bloc: «On est dans la calomnie la plus complète», affirme Me Benoît Chabert. Une enquête a été ouverte par le procureur. L'association homo chrétienne David et Jonathan, qui s'est toujours dite surprise de l'extrême violence et de l'outrance des propos du prêtre-psy sur les homosexuels, s'interroge désormais: «Compte tenu de ces nouveaux éléments, Tony Anatrella restera-t-il le porte-parole de l'Église sur tout sujet concernant l'homosexualité?»


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La fosmus s'abstient de tout commentaire pour l'instant... mais reconnaissons que ce serait balot !

11/01/2006

La lettre ouverte à Anatrella (2005)

Petit bijou transpédégouine découvert ce jour...

Lettre ouverte à Tony Anatrella


TaPaGeS, le 4 décembre 2005
Transpédégouines de Strasbourg
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contact : tapages67@yahoo.com